Travailler directement depuis la fève de cacao est un savoir-faire qui a quasiment disparu de notre territoire national après la seconde guerre mondiale avec l'essor des manufactures industrielles de chocolat. Une solution qui a permis aux artisans de ne pas avoir à stocker une trésorerie périssable, en proie aux nuisibles et à l'humidité que sont les précieuses fèves de cacao. En effet, puisqu'ils n'avaient plus à fabriquer leur chocolat de couverture, les artisans chocolatiers français ont complètement liquidé leur parc machine pour se concentrer sur leur savoir-faire en matière d'équilibre des saveurs, et d'inventivité dans les recettes. C'est d'ailleurs toute cette exigence qu'ont mis les artisans dans la création de leurs recettes de ganaches et de pralinés qui fait aujourd'hui la renommée mondiale du chocolat français. Parallèlement au développement de locomotives industrielles comme Valrhona, Barry Callebaut et autres, seule une poignée d'entreprises familiales ont conservé ce savoir-faire particulier du travail de la fève au chocolat en se focalisant notamment sur la création de chocolats de couverture sous leur propre marque, ou à destination de confrères chocolatiers. C'est le cas des entreprises Cluizel, Pralus ou encore Bonnat. Ainsi que les entreprises historiques comme la chocolaterie Cazenave dans le Pays Basque. Ce n'est qu'autour des années 2010 qu'une tendance venue des Etats Unis, et un regain d'intérêt pour le travail de la matière première ont permis à certains pionniers de se lancer dans le travail depuis la fève et de se différencier des autres chocolatiers avec des origines et des notes plutôt inhabituelles sur le marché. Aussi pour acquérir les connaissances nécessaires à ce travail, qui ne s'apprend pas à l'école où l'apprentissage se concentre sur la confection de ganaches et pralinés à partir chocolat de couverture industriel, il a fallu aux néo-chocolatiers Bean To Bar devenir autodidacte et curieux (Chocolat Encuentro, La Baleine à Cabosse...) ou partir à l'étranger suivre des stages de formation (Aux USA pour La Fèverie by Hasnaâ), ou encore apprendre auprès de consultants experts du Bean To Bar (Plaq, 20°NS...). D'autres passionnés (Shouka...) ont poussé les portes de ces premiers chocolatiers Bean To Bar français qui ont accepté de les initier à cette pratique éthique, équitable et durable.
Des formations privées apparaissent de plus en plus de nos jours dans diverses régions françaises pour apprendre à travailler depuis la fève cacao. Certaines écoles privées préparant au CAP Chocolatier ou au BTM proposent de plus en plus de modules “Bean To Bar” comme l'Institut Culinaire de France à Bordeaux. Une façon d'acquérir les rouages techniques de la transformation de la fève en chocolat, auxquelles les nouveaux acteurs devront appréhender le process dans sa globalité. Car il n'est de bon chocolat que celui qui valorise l'ensemble des acteurs de la filière et respecte la matière première de sa récolte à son expression finale. Et c'est ainsi qu'au fil des ans, une pratique quasi disparue en France et largement minoritaire sur l'exécution globale de la chocolaterie s'est développée de façon exponentielle, portée par une poignée d'idéalistes souhaitant démocratiser le cacao pluriel. Oui, car il existe autant de cacaos que de terroirs, voir de producteurs. Mais ça nous en reparlerons dans un prochain post.
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